Froid et métallique, visionnaire sans doute, en tout cas très créatif, le nouveau roman de Pavel Hak déroute et surprend… On se laisse happer par un monde violent, aux contours grinçants. Et, très vite, se perçoit une critique aiguë des dérives de notre société…
Telle une peinture de guerre, le roman prend ses marques peu à peu et s’étend, obscur. De pages en pages, on pense à des dégradés de noir, de blanc, de gris… Les chapitres sont courts, paragraphiques pourrait-on dire, et jamais une éclaircie ne survient. À l’image de l’intrigue, ou plutôt des intrigues, le texte manque d’air et crée une impression d’étouffement. On respire mal, la lecture est laborieuse – comme si l’écrivain contrôlait point par point notre évolution dans la toile qu’il a tissée. L’univers, on ne peut plus masculin mêle évocations pornographiques et considérations politico-médiatico-futuristes. On se sent tour à tour perdu, intrigué et finalement attiré par cette humanité dénaturée… Warax n’est pas à placer entre toutes les mains. Dans ce dédale de violence futuriste, de préoccupations militaires, différents personnages se suivent qui, finalement, jamais ne se rejoignent : comme cet Ed Ted Warax, protagoniste souverain face à un empire d’armement, qui a donné son nom à l’ouvrage… Ou comme ce groupe de clandestins qui tente d’accéder à une terre promise, si tant est qu’elle existe. Quant à FD 21, cet humain ( ?), il semble perdu dans un monde au futur improbable. Mais si les intrigues cohabitent, les personnages ne se rencontrent pas, dans ce curieux livre à l’odeur de souffre.
Un monde sans âmes
Warax comme un couperet, Warax comme une imprécation. Warax qui commence comme « war », surtout… Warax, l’axe de la guerre ? Pavel Hak nous confronte à un monde altéré, à la fois proche du nôtre et bien plus sale, perverti de contradictions et de bassesses… On y voit un miroir déformant de notre société, bien sûr. Définitivement pictural, le roman ne cesse d’envoyer des images : on pense par exemple aux esthétiques présentes dans Sin city, Gotham city, et toutes ces cities où les nuages d’usines ont remplacé le bleu du ciel… Paysages désertiques, cataclysmiques ou hiroshimiques, où l’imagination peut étaler sa grâce et se répandre. Warax, roman d’anticipation ? On préférera sûrement le terme de « roman contemporain », même si la littérature, bien souvent, n’a que faire des définitions. Car après tout, peu importe qu’une œuvre se veuille résolument moderne, « à thèse », « de réflexion », ou propice à la polémique… Les romanciers font des romans, avant tout ; et les lecteurs s’y retrouvent, ou pas. Pavel Hak est de ces auteurs qui prennent des risques en littérature, et c’est déjà beaucoup…