Après Trans, prix Wepler 2006, Pavel Hak fait son retour grâce à un nouveau roman à l'esthétique futuriste et gothique où il dépeint nos maux contemporains avec un talent de fabuliste sans pareil.
Il est strictement interdit de manger des cadavres, mais l'éboueur de macchabées Wu Tse a trop faim et il faut bien prendre des forces pour fuir la Terreur glacée à laquelle il est condamné. Ainsi commençait Trans, la course effrénée d'un migrant à travers le froid et la peur. Même rythme haletant de la traque et mêmes teintes charbonneuses d'apocalypse, le dernier roman de Pavel Hak, Warax, dépeint un environnement d'aspect moins sauvage mais de nature tout aussi brutale. L’auteur né en Bohême en 1962 met en scène un monde - « l’Empire » - qui s'apparenterait plus au nôtre, l'Occident moderne, tel que rêvé par les pires faucons de l'ancienne administration Bush et imaginé par leurs détracteurs pacifistes. Un cauchemar de monde où les industries de l'armement les plus puissantes auraient la mainmise sur la planète tout entière, fomentant des conflits ici et là et soutenant des politiques bellicistes afin de booster leur croissance. Est-ce déjà le cas? Quoi qu'il en soit, Pavel Hak orchestre avec une maestria diabolique des tableaux crépusculaires où tourbillonnent des destins sans rédemption. Ed Ted Warax (dont le nom sonne comme un hybride de «vorace» et de war, «guerre» en anglais) est un potentat des armes et l'incarnation du cynisme absolu; Preston, jeune Rastignac en touche, gravite autour de l'élite médiatico-politique et soutire contre services sexuels des informations auprès de la sexagénaire épouse du juge Wright; une bande d'immigrés clandestins tente de forcer la frontière; un humain immatriculé FD21 cherche à survivre dans un paysage de fin de monde. Quatre récits tissent cette toile d'angoisse. Après Safari (Tristram, 2001), une chasse en Afrique, Sniper (Tristram, 2002), un théâtre des opérations situé en Yougoslavie, Lutte à mort (Tristram, 2004), pièce dédiée « à tous ceux qui un jour ou l'autre se sont retrouvés seuls devant une frontière », Trans (Le Seuil, 2006, prix Wepler-Fondation-La-Poste), la traversée d'un fuyard oriental... Pavel Hak poursuit son esthétique de la violence et du malaise. La stylisation chez Pavel Hak n'est jamais caricature, elle est prisme à la fois grotesque et vraisemblable - comme une reductio ad absurdum de tous nos maux contemporains - : entropie d'un système consumériste soutenu par des financiers et des politiques corrompus, guerres chimiques et armes de destruction massive, surpopulation et flux migratoires anarchiques, déshumanisation des masses laborieuses. Une paranoïa de fugitif transcendée par un style foisonnant au service de la lucidité.