Le monde qui surgit de ces pages, blafard et monstrueux, semble droit sorti d’une bande dessinée d’Enki Bilal. Un pays gelé, quelque part en Asie, où des fantômes affamés tentent d’échapper à la dictature militaire. Un chantier, de l’autre côté de la frontière, où d’infâmes profiteurs exploitent jusqu’à l’os les plus démunis. Un coin d’Afrique où sévissent un médecin fou, entre Mengele et Moreau, et des virus au pouvoir de destruction foudroyant. Puis enfin l’Occident, sa vidéosurveillance, sa police des frontières et ses centres de rétention. À travers la cavale d’un homme, c’est la guerre, la tyrannie, les épidémies, la domination du fric, les inégalités de plus en plus criantes que raconte Pavel Hak. L’humanité est-elle en train de sombrer dans la barbarie ? Épuisés, maltraités, affamés, mutilés, violés, les corps sont, comme dans Sniper, son précédent roman, l’enjeu principal de cette lutte pour la survie. Pavel Hak n’intellectualise jamais, privilégie les sensations, tient son lecteur à distance – par un jeu complexe de parenthèses – pour le forcer à s’interroger sans cesse sur ce qu’il lit. Trans réussit ainsi le tour de force d’être, à la fois, brûlant et glacé. Ses images ressemblent à celles qui hantent déjà nos écrans de télévision. Ce monde-là, c’est le nôtre.