Dans Safari et Sniper, ses deux premiers romans, Pavel Hak initiait une écriture de la guerre aussi froide et tranchante qu'un business plan sous forme de mode d'emploi. Il applique cette fois sa mécanique d'écriture à une nouvelle forme de guerre, celle - beaucoup plus passive parce que trouée et mitée par les droits de l’homme occidentaux - de l’ouverture et de la fermeture des frontières pour les êtres humains issus des régions défavorisées du globe. Soit dans ce roman, Trans, les aventures épiques sous forme de fresque ramassée et nerveuse de Wu Tse, homme sans rien et soumis à une dictature asiatique où l'anthropophagie devient l'unique méthode de survie possible. La fuite est alors la seule chose envisageable. Asie, Afrique, Occident seront, dès lors, des Léviathan potentiellement désirables et néfastes que parasitera, le temps nécessaire, Wu Tse dans sa course éperdue à se situer quelque part. On pense au Céline du Voyage au bout de la nuit dans la description de l'Afrique et des États-Unis, mais ici, pas de géniale petite musique dans l'écriture pour dire l'infâme. Le style de Pavel Hak est courbaturé, sec, il évoque la monstruosité égoïste du monde moderne. Un monde où les frontières encore géographiques, terriennes pour le Sud, se métamorphosent, pour le Nord, en cales de bateaux perdus sur l'Océan, ou en zones de rétention d'aéroports. L'Occident, obsédé par le protectionnisme et la conservation de ses belles richesses que convoitent les gueux de la planète, développe alors un épigone de totalitarisme. Le contrôle des frontières g1isse doucement vers le contrôle de certains corps humains - l'immigration est « choisie » - et Wu Tse ne fait pas partie des élus. Tant pis pour lui et ses congénères, qui s'accrochent, tels des tiques, à l'idée de survivre. Une fable violente, méchante et morale.