Sniper est le deuxième roman de Pavel Hak, jeune auteur d'origine tchécoslovaque écrivant en français. Le premier, Safari, remarqué par la presse, avait suscité des débats parmi les lecteurs : son univers violent, ses scènes insoutenables avaient choqué certains au point de faire croire à la complaisance, voire au projet pervers d'un auteur sulfureux.
Gageons - et prévenons - que Sniper n'arrangera rien à l'affaire. Reprenant la figure du sniper que la télévision nous a souvent vendu comme un nouveau produit (excitant) de l'escalade guerrière, Pavel Hak plonge à nouveau au coeur de cette barbarie aux visages humains, une guerre contemporaine qu'on ne nomme pas mais qui semble emprunter certains états à ceux qu'a connus la Yougoslavie. Traques, sévices, tortures, bestialités détraquées s'enchaînent ad libitum dans un monde dont la cruauté semble sans borne. Sniper écœure. Porté par un style tendu et une puissance d'expression visuelle rarement atteinte, le texte renverse et interdit toute position confortable devant ce qui n'est que ténèbres. II remet en cause les représentations aseptisées, spectaculaires de la barbarie; interroge et la volonté de s'y soustraire et la possibilité de s’y confronter. On pense, comme le soulignent les éditeurs, au Tombeau pour cinq cent mille soldats de Pierre Guyotat. S'il paraît difficile de conseiller ce livre sans précautions préalables, on ne saurait passer sous silence un texte dont on sort, certes pas indemne, mais différent. Par l'accomplissement d'une démarche littéraire redoutable, Pavel Hak donne au lecteur le sentiment d'avoir été la cible d'un tir littéraire qui l'a atteint au cœur et l'a peut-être aidé, au-delà de la nausée, à entendre au plus près la part barbare de notre monde. Une part bien présente, qui nous guette.
Pierre Hild (Lib. L'Arbre à Lettres, Lille)
LU ET CONSEILLÉ PAR : C. Thomas (Lib. de l'Université, Poitiers), K. Henry (Lib. Comme un roman, Paris 3e), C. Courtais (Lib. Coiffard, Nantes), C. Dumon (Espace culturel Paris 3, Pau)