Il arrive de temps à autre de découvrir un auteur, un texte, un univers comme « en dehors » de la marche régimentée du tout-venant des écriture contemporaines. Pavel Hak, Tchécoslovaque exilé en France depuis une quinzaine d'années, et Safari, son premier texte publié, sont assurément de ceux-là. Cent pages, deux « nouvelle » - sortes de variations à la cohérence illogique -, un prologue, un appendice, un épilogue auront suffi à la chose. Nous voici, médusés ou écoeurés, au cœur d'une langue s’enfonçant dans les chairs comme des scarifications, submergés par une violence qui « bouleverse les sens ».
Doit-on recommander aux âmes sensibles et adeptes du premier degré de s'abstenir? Partant des situations et caractères d'un SAS pour aboutir proche des univers d'un Guyotat, ces apocalyptiques safaris en terre africaine tendent un miroir dont l'obscénité tire sa source de notre monde même. Les « chasses » que surexpose le texte représentent un monde dégénéré où les violences s'enchaînent, qu'elle soient sociales, raciales ou sexuelles. Chacun, ici, semble prisonnier de pulsions incontrôlables que seuls viennent relayer - et non enrayer - des discours préfabriqués : George Boss, personnage du premier texte, entre deux décharges sanglantes, parle comme un catalogue promotionnel d'automobile ou de tourisme. Il est l'exacte incarnation de cette pensée tirée de l'épilogue : « L’homme actuel – dépourvu d'imagination et ignorant l'épreuve de penser - [est] incapable d'inventer sa réponse au monde. » Un texte redoutable, hors norme, dont 1’épilogue, qui prend les accents oraculaires d'un Zarathoustra, livre quelques clefs et visées : « Lorsque le monde est perdu, escamoté, anéanti, il faut avoir recours aux méthodes cathartiques pour découvrir ce qui a disparu sans laisser de traces. » Ce qui a disparu... ou la face cachée de Safari.
Pierre Hild (Lib. Sauramps, Montpellier)
LU ET CONSEILLÉ PAR :P. Berthaume (Lib. Gallimard, Paris 7'), P. Hild (Lib. Sauramps, Montpellier)